En Côte d’Ivoire, derrière les murs feutrés des villas et des bureaux modernes d’Abidjan, se
cache une activité méconnue mais essentielle à la vitalité artistique du pays : la collection
d’art. Si le métier de collectionneur ne s’apprend pas à l’université, il s’impose peu à peu
comme un signe de distinction sociale, de goût, mais aussi de mécénat culturel.
Longtemps réservée à une élite confidentielle, la pratique séduit aujourd’hui une nouvelle
génération de passionnés d’art contemporain africain.
Le collectionneur ne se limite pas à l’achat : il fait vivre les œuvres, soutient les artistes,
participe au rayonnement de la scène locale. Il est souvent le premier à croire en un talent
émergent, à investir dans une carrière naissante, à exposer dans ses cercles privés ce que les
musées n’ont pas encore osé montrer.
Certains prêtent des œuvres pour des expositions, d’autres financent des résidences ou créent
des fondations. Ce sont eux, bien souvent, qui permettent à l’art ivoirien de franchir les
frontières.
Malgré leur discrétion, les noms circulent dans le milieu de l’art. En tête de liste
figure Adama Toungara, ancien ministre du pétrole, qui détient une impressionnante
collection de près de 3 000 œuvres. Véritablé pionniér dans cé domainé, il est à
l’origine du Musée des Cultures Contemporaines d’Abobo.
Autre figure majeure, Serge Hié, homme d’affaires passionné par l’art classique africain,
possèderait plus de 500 pièces. Son regard se porte principalement sur les œuvres
traditionnelles – masques, statues, objets rituels – qu’il considère comme des « trésors vivants
».
Dans un registre plus contemporain, on retrouve Cédric Tidiane Diarra, conseiller spécial à
la primature, l’un des rares hauts cadres de l’administration ivoirienne à afficher un intérêt
marqué pour l’art contemporain. Grand amateur de créations visuelles, il fréquente les foires
africaines comme AKAA à Paris ou Art X Lagos, et soutient activement la jeune création
ivoirienne. Ainsi que Fabrice Sawegnon, Fondateur de l’agence Voodoo Group, l’une des
plus grandes agences de communication d’Afrique francophone, Fabrice Sawegnon est connu
pour son sens aiguisé du visuel et de l’image. À titre personnel, il possède une collection
privée centrée sur les arts visuels urbains africains. Il a également soutenu plusieurs
expositions à Abidjan et serait un acteur clé dans le développement du marché de l’art en Côte
d’Ivoire.
Son profil hybride – entre culture, business et communication – fait de lui un acteur
stratégique du secteur créatif, capable de donner de la visibilité aux artistes tout en
structurant un écosystème encore fragile.
Enfin, Janine Kacou Diagou, dirigeante de la Fondation BJKD, s’impose comme une
mécène de référence, en soutenant aussi bien des entrepreneurs que des artistes émergents. Si ses acquisitions restent privées, ses actions publiques en faveur de la culture la placent parmi les figures influentes du secteur.
Source : Le Monde – “À Abidjan, de discrets collectionneurs d’art…” (05 août
2024)
Le collectionneur d’art, qu’il soit passionné discret ou mécène engagé, est aujourd’hui
un acteur essentiel de la scène culturelle ivoirienne. Il contribue non seulement à la
valorisation de l’art local, mais aussi à sa transmission. Et si l’on en croit la nouvelle
génération, collectionner n’est plus un luxe réservé aux élites, mais un engagement culturel
fort — un geste pour l’art, pour la mémoire et pour l’avenir.
Enjy Kerekou pour LaNich.