Au Sénégal, chaque grain de riz porte en lui une mémoire. Et celle de Penda Mbaye (1904–1984), cuisinière légendaire de Saint-Louis, continue de parfumer les récits et les marmites. Elle est créditée de l’invention, au XIXe siècle, du ceebu-jën – ou thiéboudiène – ce plat devenu l’emblème culinaire du pays.
C’est à Saint-Louis, ancienne capitale du Sénégal, que Penda Mbaye aurait improvisé cette recette destinée à marier la terre et la mer, les savoirs traditionnels et une touche d’audace. Elle y ajoute notamment de la tomate cerise malaxée, pour intensifier la couleur et la saveur de la préparation. Le résultat est un plat nourrissant, savoureux et coloré qui conquiert d’abord les foyers saint-louisiens… avant de séduire toute la nation.
Le ceebu-jën – littéralement “riz au poisson” en wolof – est bien plus qu’un mets. Il suit des règles précises, transmises de génération en génération. Dans les familles traditionnelles, le repas se partage dans un plat commun. On mange avec la main droite, le bol est tenu de la main gauche, et il est interdit de s’asseoir avec le genou levé. Aucun grain de riz ne doit tomber en mangeant, signe de respect et de maîtrise.
Côté cuisine, le plat se compose de riz brisé longuement mijoté dans une sauce tomate, accompagné de poisson farci – souvent du thiof ou du capitaine –, de légumes variés comme la carotte, le chou, le manioc, les aubergines ou le gombo. Parfois, le goût est rehaussé de guéddj, un poisson séché fermenté qui ajoute profondeur et intensité.
Le ceebu-jën, préparé dans une grande marmite et servi au centre du cercle familial, incarne l’esprit communautaire sénégalais. Il réunit, nourrit, relie.
En 2021, ce plat emblématique a été inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO, reconnaissant ainsi son rôle dans la transmission des savoirs, des gestes et de l’identité sénégalaise.
Si peu d’archives officielles permettent de documenter la vie de Penda Mbaye, son nom est solidement ancré dans la mémoire collective. Elle incarne ces femmes invisibles mais essentielles, gardiennes de la culture à travers la cuisine, figures d’ingéniosité et de transmission.
Aujourd’hui encore, des chef.fe.s, cuisiniers et cuisinières sénégalais et d’autres nationalités s’en inspirent pour réinventer le ceebu-jën, dans des versions modernes ou fusion, sans jamais trahir son esprit : un hommage à la terre, à la mer et à la communauté.